Témoignage audio

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Ces témoignages, issus d’une enquête menée par la Fédération Wallonie-Bruxelles, ont été enregistrés dans le cadre de l'émission radiophonique Quand les jeunes s'en mêlent, diffusée sur la Première-RTBF, le samedi 16 février 2008.

Témoignage de Lola

Témoignage de Lola :
« La violence que j’ai vécue et comment je m’en suis sortie »

Je m’appelle Lola.

Au moment où je l’ai rencontré, j’allais avoir 16 ans. Il m’a très vite captivée parce que j’étais tout pour lui : son coin de paradis, son évasion, sa petite femme. Il me couvrait de tendresse, d’amour, de rêve.

On s’aimait très fort et j’étais prête à tout pour le garder. Alors, j’acceptais des choses que je pensais normales à l’époque : je ne pouvais plus faire la bise aux garçons ni porter de jupes, ne plus être en retard, ne plus sourire à mes amis masculins, ne plus sortir dans certaines soirées, ne plus fréquenter certaines amies qui, selon lui, m’influençaient négativement,...

Quand quelqu’un me draguait, il empoignait la personne puis me traitait de tous les noms devant tout le monde parce que, selon lui, je le provoquais.

J’étais toujours celle qui faisait mal les choses : un jour j’étais trop sexy, un autre je me cachais sous des vêtements et n’étais plus « aussi belle qu’avant » !

Je ne pouvais pas trop parler en société parce que « je lui faisais de l’ombre ».

Il regardait dans mon GSM, fouillait mes tiroirs et n’acceptait pas que je garde des souvenirs du passé.

Quand on se disputait, il me disait que je mentais, que je n’étais déjà plus vierge quand on s’est rencontré.

Il utilisait en fait toutes les choses douloureuses de ma vie. Il savait ce qui me touchait et les utilisait sans s’en inquiéter.

Bien sûr, après chaque dispute, il s’en voulait. Il disait qu’on ne pouvait pas se séparer, que ce n’était pas possible, qu’il m’aimait, qu’il ne fallait pas que je parte, que ça ne recommencerait jamais… Mais ça recommençait TOUJOURS.

Au début, je niais la vérité auprès de mes proches qui se doutaient de ce qui m’arrivait.

Je refusais leur aide. Maintenant, je les remercie d’avoir eu le courage de ne pas m’avoir laissé tomber.

En fait, je pense que je me sentais à la fois coupable de rester avec lui et, en même temps, je pensais que les gens ne me comprendraient pas. Alors je préférais dire : « Mais non, tout va bien ». Je vous assure, c’est très difficile de partir parce la peur et l’espoir se mélangent tout le temps. J’ai espéré qu’il change, qu’il redevienne celui qu’il était avant.

Et puis un jour, il m’a frappée. Il m’a fait tomber par terre puis m’a sauté sur le dos, pieds joints.

Je ne bougeais plus. Je voulais qu’il appelle une ambulance. Il refusait.

Il m’a ordonné de me lever et me menaçait de se tuer.

A la fois, j’aurais voulu qu’il se sente coupable de ce qu’il m’avait fait, et en même temps, je ne voulais pas le culpabiliser.

Malgré les conseils de mon médecin, je n’ai jamais porté plainte parce que je pensais stupidement qu’on ne porte pas plainte contre son mec. Je pensais naïvement que puisqu’il m’aimait, il redeviendrait comme avant. Mais on ne change pas les gens même si on les aime et tout ce qui se profile à l’horizon, c’est du pire.

Je suis restée quatre ans avec lui en me demandant sans cesse s’il m’aimait vraiment. Si sa violence allait cesser. Si on allait s’en sortir.

J’ai tout essayé. On a été chez le psychiatre ensemble. Au début, il ne voulait pas y aller parce qu’il disait qu’il n’avait pas de problème. Je lui disais que c’était juste pour moi, alors il a accepté qu’on aille à deux. On s’est éloigné pendant 6 mois pour respirer en se disant que ça irait peut-être mieux, mais ce n’était jamais mieux. J’avançais la peur au ventre dans ce couple qui était pourtant très important pour moi, sans doute parce que c’était le premier garçon avec qui j’avais fait l’amour.

Un jour, je l’ai quitté. Et puis, je suis revenue. Et ça a recommencé… Un peu différemment… Et ça a encore recommencé. Et j’ai compris que ça n’allait jamais s’arrêter !

Puis, heureusement, je me suis décidée et je suis partie définitivement. Et là, j’ai commencé à revivre pour de vrai.

Comment, je m’en suis sortie...

Je m’en suis sortie le jour où j’ai compris qu’il resterait le même, qu’on ne change pas les gens même si on essaie d’y mettre tout son cœur.

J’ai commencé à écouter les conseils de mes amis, à remarquer qu’il y avait des couples bien plus heureux que le mien.

J’ai aussi arrêté de l’idéaliser, de tout lui pardonner... Et surtout, j’ai arrêté de croire ce qu’il me répétait sans cesse : « C’est toujours de ta faute ! ».

Quand je l’ai quitté, j’ai encore eu peur de lui pendant plus ou moins un an, mais j’ai quand même décidé de vivre vraiment et pleinement.

Évidemment, ça ne s’est pas fait du jour au lendemain parce que non seulement j’avais peur de lui, mais j’avais surtout peur de ne plus jamais retomber amoureuse d’un autre...

Un jour, il a essayé de reprendre contact avec moi mais je lui ai dit que les bleus au corps ne s’oubliaient pas et que s’il essayait encore, je porterais plainte. J’ai suivi une thérapie pour réapprendre à poser des limites qui sont acceptables.

Depuis, j’ai rencontré d’autres garçons. Et je suis retombée amoureuse de quelqu’un qui m’a redonné confiance en l’amour et m’a permis d’à nouveau sourire à la vie. Petit à petit, j’ai repris confiance en moi.

Je pense que j’ai peut-être été contrainte à grandir trop vite, mais que finalement je m’en suis bien sortie. Je regrette de ne pas avoir porté plainte contre lui parce que j’aurais vraiment voulu lui montrer à quel point je lui en voulais.

Des fois, je m’en veux de ne pas être partie plus tôt mais je crois que rien n’aurait pu vraiment me persuader de le quitter, mis à part peut-être le témoignage de quelqu’un qui aurait vécu la même chose.

Maintenant, j’ai 22 ans. J’ai réussi des études de communication avec brio. Je suis très impliquée dans le domaine associatif et je resplendis de bonheur comme jamais. J’adore croquer la vie à pleine dent et vivre à du 200%. J’aime la planche à voile, les sorties en boites, ...

Je suis devenue une jeune femme épanouie qui a un métier et qui rêve de fonder une petite famille. Une fille comme toutes les autres pour qui le passé, même s’il existe, ne fait plus que partie du passé.

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